Pluralité de cautionnements : quand la disparition de l’un cause l’annulation de l’autre

Recouvrement de créances  | 05 septembre 2023

Une caution peut-elle se prévaloir de l’annulation de l’engagement d’un autre garant pour solliciter la nullité de son propre engagement ?

Il est fréquent qu’une dette soit garantie par plusieurs cautions, afin d’assurer au créancier une meilleure protection de ses intérêts en cas de défaillance du débiteur principal.

C’est dans ce contexte que la Cour de Cassation s’est vue saisir de la question suivante : la disparition de l’un des cautionnements entraine-elle l’annulation de l’autre pour erreur ? (Cass.com 21 juin 2023, n°22-11.439)

En l’espèce, un dirigeant et son épouse, séparés de bien, se sont portés caution solidaire d’un prêt accordé à une société.

Cette société a été placée en liquidation judiciaire, à la suite de quoi, la banque a poursuivi les cautions en paiement.

Cependant, par une décision rendue en 2021, soit antérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire, le dirigeant caution s’est retrouvé déchargé de son engagement, jugé manifestement disproportionné.

Son épouse a fait valoir qu’elle ne se serait jamais portée unique garante des dettes contractées par la société dirigée par son époux si elle avait connu l’inefficacité du cautionnement souscrit par ce dernier, de sorte que son contrat de cautionnement encourrait une nullité pour « erreur ».

La Cour d’Appel de Besançon, saisi du litige, a refusé d’annuler le cautionnement de l’épouse considérant que l’existence d’un vice du consentement s’apprécie à la date de conclusion du contrat et que le dirigeant a été déchargé de son engagement par une décision irrévocable rendue en 2021.

Dans un arrêt du 21 juin 2023, la Cour de Cassation a censuré cette décision et a jugé qu’en cas de pluralité de cautions, dont l’une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l’étendue des garanties fournies au créancier, en démontrant qu’elles avaient fait du maintien de la totalité des cautionnements la condition déterminante de leur propre engagement.

En effet, les Magistrats du Quai de l’Horloge précisent qu’« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [D] n’avait pas fait du maintien du cautionnement souscrit par M. [X] la condition déterminante de son propre engagement, recherche qui aurait permis d’établir si le consentement de l’intéressée avait ou non été vicié, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

Cette décision n’est pas surprenante puisque dans un arrêt de la Chambre Commerciale du 18 mars 2014, la Cour de Cassation a jugé qu’une personne, caution solidaire avec sept autres personnes pouvait invoquer la nullité de son engagement pour erreur dès lors que cinq autres des cautions avaient vu leur engagement disparaitre et qu’au regard du montant de l’engagement, l’existence des sept autres cautions était une condition déterminante de son consentement. (Cass.com 18 mars 2014, n°13-11.733)

Attention toutefois : la charge de la preuve incombe à la caution. Il lui appartient de démontrer qu’elle n’a consenti son engagement qu’en en considération des autres garanties obtenues par le créancier.

Au surplus, il est important de noter que cette décision de la Cour de Cassation ne s’applique qu’aux cautionnements souscrits avant le 1er octobre 2016. En effet, depuis la réforme du droit des contrats, le nouvel article 1135 du Code civil précise qu’une partie peut invoquer la nullité pour erreur sur les motifs d’un engagement seulement si ces motifs ont été expressément érigés par les parties comme déterminants du consentement.

Il est donc dorénavant nécessaire de mentionner dans l’acte de cautionnement lui-même que le maintien des autres garanties est déterminant du consentement de la caution poursuivie pour que celle-ci puisse se prévaloir de la disparition de l’une des autres garanties consenties.

Il est peu probable toutefois que cette mention soit acceptée par les créanciers.

Partager cet article sur Linkedin
Retour
Recouvrement de créances  |  04 juillet 2023

Pluralité de cautions solidaires : la compensation dont bénéficie l’une d’elles profite-elle à l’autre ?

La compensation entre des dommages et intérêts dus par le créancier fautif à l’égard de la caution et la créance de cette dernière au titre de sa garantie envers ce même créancier profite-elle aux autres cautions solidaires et éteint-elle la dette principale ?
Lire la suite
Recouvrement de créances  |  26 juin 2023

L’absence de date sur l’acte de cautionnement le rend-il nul ?

L’absence de date sur l’acte de cautionnement empêche-t-elle la caution de comprendre la portée de son engagement ?
Lire la suite
Recouvrement de créances  |  17 mai 2023

Du recouvrement amiable de vos créances aux procédures judiciaires

Lorsque vous êtes confronté à l’absence de règlement d’une ou de plusieurs de vos factures, malgré vos relances orales ou écrites, et alors même que les délais de règlement mentionnés dans vos conditions générales de vente sont dépassés, il est essentiel de bénéficier d’un accompagnement pour minimiser les risques d’impayés et les pertes financières et ainsi préserver votre trésorerie.
Lire la suite