Actualité en matière de télétravail

Droit du travail  | 21 juillet 2023

Diverses précisions ont été apportées par les juridictions en matière de prise en charge des frais professionnels des salariés en télétravail et de qualification des accidents survenus aux salariés en télétravail.

L’employeur doit prendre en charge les frais professionnels exposés par les salariés en télétravail, y compris en cas de circonstances exceptionnelles telles que le confinement imposé par l’épidémie de Covid-19

La question s’est posée de savoir si l’employeur devait prendre en charge les frais liés au télétravail des salariés, contraints, pendant la période de confinement, de rester à leur domicile, et ce alors que sur la période considérée, aucun accord encadrant le télétravail ou charte n’était applicable.

En l’espèce, les salariés de l’entreprise avaient été placés en télétravail à compter du 15 mars 2020 en raison de la crise sanitaire, et ce jusqu’au 11 mai 2020. Suite à l’échec des négociation engagées fin 2020, une charte applicable à compter du 1er janvier 2022 prévoit l’allocation d’une indemnité d’un montant de 2,50 € par jour, plafonnée à 20 € par mois, afin de compenser les frais exposés par les salariés en télétravail, et ce sans rétroactivité.

En juin 2021, le CSE de la société et un syndicat ont saisi le Tribunal Judiciaire de PARIS afin que ladite société soit condamnée à régulariser la situation des salariés en télétravail depuis le 17 mars 2020.

La société a notamment soutenu que :

  • les frais professionnels liés au télétravail ne sont pas obligatoirement pris en charge, dans la mesure où le code du travail et l’ANI du 26 novembre 2020 renvoient à la négociation collective sur ce point ;
  • les indemnisations forfaitaires et au réel ne sont pas possibles en télétravail ;
  • seul le surplus de dépense subie par les salariés du fait de leur activité peut donner lieu à prise en charge.

Par jugement en date du 23 mai 2023, le Tribunal judiciaire de PARIS a rejeté l’argumentation de la société, estimant que :

  • le renvoi à la négociation collective ne concerne que les modalités de prise en charge des frais, et non le principe de ladite prise en charge, qui s’impose à l’employeur ;
  • l’indemnisation forfaitaire du télétravail exceptionnel est ouverte à la société, de même qu’un remboursement au réel ;
  • la question n’était pas de savoir si la crise sanitaire avait généré pour les salariés des frais en plus de leurs dépenses quotidiennes, mais s’ils avaient exposé des frais pour le compte de leur employeur parce que le télétravail leur imposé une sujétion nouvelle.

Au final, la société a été condamnée à prendre en charge les frais professionnels exposés par les salariés en télétravail, à compter du 17 mars 2020, en procédant au versement d’une indemnité de 2.50 € brute par jour de télétravail et ce jusqu’au 31 décembre 2021, date d’application de la charte portant sur la mise en place du télétravail.

Cette décision, qui s’inscrit dans le droit chemin de la jurisprudence de la Cour de Cassation, devrait inciter les employeurs à prendre en charge de façon systématique les frais engendrés par le télétravail, et ce en toutes circonstances.

L’accident survenu au salarié en télétravail n’est pas systématiquement reconnu comme étant un accident du travail

La question s’est posée de la qualification de l’accident survenu au salarié en télétravail, quelques minutes après la fin du travail, ou en dehors de son domicile, au regard des dispositions de l’article L 1222-9 du code du travail qui précisent que « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail »

En l’espèce, le contexte des accidents était le suivant :

  • un salarié est tombé dans l’escalier de son domicile, son bureau ayant été aménagé au sous-sol, à 16h02, alors qu’il avait terminé sa journée de travail, suite au pointage de sa fin d’activité, à 16h01 ;
  • un salarié, qui est sorti sur la voie publique en raison d’une panne de connexion internet, pour discuter avec le chauffeur qui venait de heurter le poteau téléphonique, a été blessé par la chute dudit poteau provoquée par un deuxième véhicule

Aux termes de deux arrêts rendus par les Cours d’appel d’AMIENS et SAINT DENIS, les 15 juin et 4 mai 2023, il a été constaté que :

  • la chute du 1er salarié avait eu lieu hors du temps de travail : le salarié ayant chuté alors qu’il avait terminé sa journée de travail, après avoir effectué son pointage de fin de journée ;
  • l’accident du 2ème salarié avait eu lieu en dehors du lieu de travail : le salarié ayant été blessé sur la voie publique, alors d’une part, qu’il avait interrompu, pour un motif personnel, son travail, afin de se renseigner sur l’origine de la panne informatique, et d’autre part, qu’aucune obligation ne lui incombait de trouver l’origine de la panne ou de renseigner utilement l’opérateur téléphonique

Il a en conséquence été jugé que la présomption d’imputabilité devait être écartée, si bien que les salariés devaient apporter la preuve d’un lien entre leur accident et le travail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Ces arrêts devraient en conséquence inciter les employeurs à renforcer les dispositifs de contrôle de la durée et des horaires de travail des salariés en télétravail, afin de délimiter les périodes durant lesquelles ces derniers sont sous leur responsabilité, ainsi qu’à formaliser le lieu d’exercice du télétravail, afin de limiter les risques de voir leur responsabilité engagée cas d’accident qui surviendrait en dehors de ce lieu.

Maître Diane FIRINO-MARTELL

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