La Cour de Cassation, nous rappelle les conditions d’opposabilité de la publicité des contrats de crédit-bail.

Procédures collectives  | 05 mai 2023

Dès lors qu’un crédit-bailleur n’a pas renouvelé la publicité de son contrat, il ne pourra pas opposer son droit de propriété aux tiers, sauf à démontrer que tous les créanciers de son locataire avaient connaissance de ce contrat. (Cass. Com. 04/12/2022 – n° 21-16.048)

L’article L.624-9 du Code de Commerce permet au propriétaire d’un bien meuble de revendiquer celui-ci dans le cadre de la procédure collective de son détenteur, lequel sera, la plupart du temps, locataire.

Le régime de revendication comporte plusieurs contraintes, parmi lesquelles l’obligation de formuler une demande en revendication dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective du détenteur du bien meuble revendiqué.

Un régime spécifique, issu de l’article L.624-10 du Code de Commerce, s’applique aux contrats qui sont publiés au greffe du Tribunal, parmi lesquels les contrats de crédit-bail.

La procédure de restitution prévue à l’article L.624-10 du Code de Commerce est bien moins contraignante, en ce sens qu’elle n’est soumise à aucun délai :

  • aucun délai pour formuler une demande de restitution,
  • aucun délai pour saisir le Juge-Commissaire en cas d’absence de réponse ou de réponse négative à la demande de restitution.

Ce régime dérogatoire favorable est toutefois subordonné à une condition, constituée par une inscription du contrat de crédit-bail sur un registre spécial auprès du Tribunal où le locataire est inscrit (article L.313-10 et R.313-4 du Code Monétaire et Financier).

Cette inscription est valable cinq ans, sauf renouvellement.

La sanction de cette absence de publicité est radicale, dans la mesure où en l’absence de publicité au jour de l’ouverture de la procédure collective du locataire, le crédit-bailleur ne pourra tout simplement pas opposer son droit de propriété aux créanciers ou ayants cause de son locataire.

Cette règle est issue de l’article R.313-10 du Code Monétaire et Financier, lequel est libellé comme suit :

« Si les formalités de publicité n’ont pas été accomplies dans les conditions fixées par les articles R.521-1 et suivants du code de commerce, l’entreprise de crédit-bail ne peut opposer aux créanciers ou ayants cause à titre onéreux de son client, ses droits sur les biens dont elle a conservé la propriété, sauf si elle établit que les intéressés avaient eu connaissance de l’existence de ces droits. »

Il résulte de ce texte que la seule issue, pour un crédit-bailleur qui a omis de publier son contrat ou de renouveler cette publication à l’échéance de cinq ans, est de démontrer que les créanciers ou les ayants cause à titre onéreux de son locataire avaient eu connaissance de l’existence de ces droits.

Le Cabinet BONIN & ASSOCIES a obtenu une décision favorable de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation, le 28 octobre 2008.

La situation était la suivante : le locataire du crédit-bailleur avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.

Un plan de cession a été arrêté par le Tribunal de Commerce au profit d’une autre structure.

Dans le cadre du plan de cession, le contrat de crédit-bail était expressément mentionné dans le jugement parmi les contrats repris par le cessionnaire.

Malheureusement, le crédit-bailleur a omis de procéder à la publication de son contrat du chef de son nouveau locataire, lequel a lui-même fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le crédit-bailleur a sollicité la restitution de ses matériels.

Il s’est vu opposer une fin de non-recevoir par le mandataire liquidateur, au motif qu’il ne justifiait d’aucune publication.

Nous avons soutenu que, dans la mesure où le jugement qui arrêtait le plan de cession avait expressément mentionné dans son dispositif la reprise du contrat litigieux et où ce jugement avait fait l’objet d’une mesure de publicité, le crédit-bailleur pouvait légitimement soutenir que les créanciers et ayants cause à titre onéreux de son locataire avaient été informés de l’existence du contrat de crédit-bail.

Cette thèse a été retenue par la Cour de cassation.

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 14 décembre 2022, a statué dans un sens différent, dans l’hypothèse, non pas d’un plan de cession, mais d’un plan de continuation du locataire.

La Cour d’Appel avait validé la demande de restitution formée par le crédit-bailleur, qui avait omis de procéder au renouvellement de sa publicité, considérant notamment que :

  • le crédit-bailleur justifiait d’une publication initiale,
  • le contrat litigieux avait été inclus dans le plan de redressement arrêté au profit du locataire.

La Cour de Cassation a sanctionné cette décision, considérant que la publication du jugement arrêtant un plan de redressement au bénéfice du locataire n’était pas de nature à rendre le droit de propriété du crédit-bailleur opposable aux tiers.

Cette décision apparaît parfaitement légitime, dès lors que le jugement qui arrête un plan de redressement ne vise pas dans son dispositif les contrats qui sont poursuivis.

Cette dernière jurisprudence de la Cour de Cassation confirme, s’il en était besoin, que la marge de manœuvre des crédits-bailleurs est très étroite lorsqu’ils ont omis de procéder à une publication de leur contrat ou au renouvellement de celle-ci.

Partager cet article sur Linkedin
Retour
Procédures collectives  |  17 mai 2023

Recours et accompagnement lors d’une procédure collective d’un client ou d’un partenaire commercial

Lorsque vous êtes informés que l’un de vos clients ou l’un de vos partenaires commerciaux est en difficulté financière et sur le point de faire l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), il est essentiel de bénéficier d’un accompagnement pour éviter ou réduire vos risques de perte d’argent et de marchandises, liés à cette défaillance.
Lire la suite
Procédures collectives  |  05 mai 2023

Quels sont les effets d’une « déclaration de créance » effectuée par le débiteur lui-même ?

Lorsque le débiteur qui a fait l’objet d’une procédure collective a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa propre déclaration de créance. (Cass.com. 8 février 2023 n°21-19.330)
Lire la suite
Procédures collectives  |  05 mai 2023

Quelle est la nature des indemnités de résiliation ?

L’indemnité de résiliation d’un contrat de location ou d’un contrat de crédit-bail est-elle constitutive ou non d’une clause pénale ? (Cass. Com. 08/02/2023 – n° 21-21.391)
Lire la suite