La responsabilité pénale des personnes morales

Droit pénal  | 01 février 2024

Dans quelles circonstances une société peut-elle être poursuivie, et sanctionnée, devant une Juridiction répressive ?

Quelles personnes morales peuvent engager leur responsabilité pénale, et pour quelles infractions ?

Quelles sont les conditions requises ?

Quelles sont les sanctions qui lui sont applicables ?

  • Les personnes morales susceptibles d’engager leur responsabilité pénale :

De manière générale, seules les sociétés dotées de la personnalité morale peuvent engager leur responsabilité pénale en vertu de l’article 121-2, 1er alinéa du Code pénal.

Il s’agit : des sociétés commerciales (SAS, SA, SARL, etc.), civiles, coopératives, mais également des EURL.

En revanche, ne sont pas concernées les sociétés en participation, les sociétés créées de fait et les sociétés en cours de formation qui ne sont pas encore immatriculées.

Une société en cours de liquidation demeure susceptible d’engager sa responsabilité pénale, dans la mesure où elle conserve sa personnalité juridique.

Les personnes morales peuvent faire l’objet de poursuites au titre de n’importe quelle infraction pénale, aucun texte particulier n’étant plus nécessaire pour incriminer une personne morale depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 dite loi « Perben II ».

Ainsi, les sociétés peuvent faire l’objet de poursuites pénales pour l’ensemble des crimes, délits et contraventions existants, intentionnels ou non.

Elles peuvent notamment être poursuivies pour des infractions liées au droit du travail (travail dissimulé, méconnaissance du principe d’égalité de rémunération Hommes / femmes, violation des règles d’hygiène et de sécurité), des délits financiers (favoritisme, corruption, escroquerie, abus de biens sociaux, abus de confiance, etc.), de droit commun, de pratiques anticoncurrentielles, de violations du droit de l’Environnement, etc.

Pour qu’une société ayant commis une infraction pénale soit sanctionnée, il doit être démontré que les conditions d’imputabilité définies à l’article 121-2 du Code pénal sont remplies.

  • Les conditions d’imputabilité des infractions pénales aux personnes morales :

Sur ce point, l’article 121-2 alinéa 1er du Code pénal dispose, que les personnes morales sont responsables pénalement « (…) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. »

Sur le fondement de cet article, la Chambre criminelle de la Cour de cassation exige, pour que puisse être engagée la responsabilité pénale d’une personne morale, que soit clairement identifié l’organe ou le représentant ayant commis l’infraction poursuivie pour le compte de la personne morale. (Crim. 11 avril 2012, n°10-86.974)

  • Concernant « l’organe » pouvant engager la responsabilité pénale d’une personne morale :

Il peut s’agir soit d’un organe individuel – dirigeant de droit – (le Président, le gérant, le directeur général), soit d’un organe collectif (un Conseil d’Administration, un comité exécutif, un Risk Assessment Committee, etc.).

  • Le « représentant » pouvant engager la responsabilité pénale d’une personne morale :

Celui-ci peut être soit le dirigeant de droit, soit un dirigeant de fait, qualité qui s’apprécie au cas par cas.

Ce « représentant » peut également être une personne, préposée ou non, titulaire d’une délégation de pouvoir, de fait ou de droit, sous réserve que les conditions de validité de cette délégation de pouvoir soient bien remplies. (Crim. 23 mai 2023, n°22-83.516 ; 16 juin 2021)

Les conditions de validité d’une délégation de pouvoirs sont remplies, dès lors qu’il est démontré que le représentant avait reçu une délégation de compétence de la société mise en cause, et qu’il disposait de la compétence et des moyens nécessaire pour l’exercer, comme l’a très récemment rappelé la Cour d’appel d’Aix-en Provence le 24 octobre 2023. (CA Aix 24 octobre 2023, N° Parquet général PGCA AUDCO 22 000375)

Dans un arrêt du 21 juin 2022, la Cour de cassation a même jugé, pour des faits commis au sein d’un groupe de sociétés, qu’une société pouvait être l’organe ou le représentant d’une autre société du même groupe au sens de l’article 121-2 du Code pénal. (Crim. 21 juin 2022, n°20-86.857)

A noter que le cumul des responsabilités pénales, et donc des sanctions, de la personne morale et de la personne physique dont les actes ont engagé la responsabilité de la personne morale, est possible.

La seule limite à ce principe, est qu’en matière d’infraction non-intentionnelle, la responsabilité pénale de la personne physique concernée n’est encourue, que si elle a commis une faute lourde.

Lorsque ce cumul est possible, sa mise en œuvre relève de l’appréciation faite de l’opportunité des poursuites par le Parquet ou, en cas de citation directe, par la Partie civile poursuivante.

Les sanctions pénales encourues par une personne morale sont toutefois différentes de celles encourues par une personne physique.

  • Les peines pénales encourues par les personnes morales :

En effet, les peines prononcées contre des personnes morales consistent le plus souvent en des peines d’amende, parfois des confiscations, ou dans les cas les plus graves, une dissolution.

Les personnes morales peuvent également être condamnées à de peines complémentaires, pouvant consister notamment en une peine de diffusion des termes des condamnations prononcées à leur encontre, dans divers journaux et/ou sur leur site internet.

A noter que la loi « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 a créé une alternative au mécanisme de responsabilité pénale des personnes morales dans certains domaines très limités, la
Convention judiciaire d’intérêt public (« CJIP »).


Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, le Procureur de la République a la faculté de proposer aux personnes morales auxquelles sont reprochés des faits de corruption, de trafic d’influence, de fraude fiscale ou de blanchiment de ces infractions, de conclure une Convention judiciaire d’intérêt public.

Depuis le depuis le 24 décembre 2020, cette faculté s’étend aussi en matière d’infractions au droit de l’Environnement.

La conclusion d’une Convention judiciaire d’intérêt public permet aux personnes morales qui en bénéficient d’échapper aux poursuites pénales, en contrepartie du paiement d’une amende d’intérêt public et/ ou de la mise en œuvre d’un programme de mise en conformité.

Maîtres Stéphane BONIN et Julie MANISSIER

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