Revendication de biens dans le cadre de procédures collectives : analyse de l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 octobre 2024 n° 23-18.095.
Dans un arrêt du 23 octobre 2024 publié au Bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle les exigences procédurales encadrant la revendication de biens en matière de procédure collective.
Contexte :
En l’espèce, un contrat de location longue durée a été conclu entre une société Société A (créancière) et une Société B (débitrice).
Le 13 novembre 2018, la Société B a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire.
Par deux lettres recommandées avec demande d’avis de réception daté du 4 décembre 2018, la Société A a demandé à la société débitrice et au mandataire judiciaire de se positionner sur la poursuite du contrat en cours et d’acquiescer à sa demande en revendication.
Le 20 décembre 2018, la Société B a reconnu le droit de propriété de la Société A sur le bien revendiqué et a opté pour la poursuite du contrat en cours, tout en communiquant sa position au mandataire judiciaire.
Le 20 mars 2019, la Société B a fait l’objet d’un jugement de conversion en liquidation judiciaire.
Le Mandataire liquidateur a refusé de faire droit à la demande en revendication de la Société A, au motif que celle-ci n’avait pas saisi le juge-commissaire dans le délai d’un mois prévu par l’article R.624-13 du Code de commerce.
Elle a précisé que l’accord du mandataire judiciaire ne peut être déduit de son seul silence.
En l’absence de réponse explicite du mandataire judiciaire, il incombait à la Société A de saisir le juge-commissaire dans le délai d’un mois prévu par l’article R.624-13 du Code de commerce.
Ne l’ayant pas fait, sa demande a été jugée irrecevable.
Focus sur la décision :
La Haute juridiction précise aux termes de cet arrêt deux points fondamentaux :
- Le respect impératif des délais légaux :
Il apparaît important de rappeler à titre préalable que le revendiquant dispose d’un délai de trois mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure collective pour introduire sa demande, conformément à l’article L.624-9 du Code de commerce :
« La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure ».
La Haute juridiction précise qu’en l’absence d’accord de l’administrateur judiciaire ou du débiteur et du mandataire judiciaire dans le délai d’un mois suivant la réception de la demande de revendication du créancier, une requête en revendication doit être adressée au juge commissaire dans le délai d’un mois conformément à l’article L624-17 du Code de commerce :
« L’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d’un bien visé à la présente section. A défaut d’accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi ».
- La nécessité d’un accord explicite du mandataire judiciaire :
La Cour considère que l’accord du mandataire judiciaire ne se présume pas et procède à une interprétation stricte de l’article R 624-13 du Code de commerce :
« La demande en revendication d’un bien est adressée dans le délai prévu à l’article L624-9 par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à l’administrateur s’il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
A défaut d’acquiescement dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d’un mois à compter de l’expiration du délai de réponse.
Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées.
La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution ».
La Haute juridiction précise que le silence du mandataire judiciaire à la reconnaissance du droit de propriété ne vaut pas approbation tacite, quand bien même le débiteur aurait donné son accord. En l’absence d’un accord formel du mandataire judiciaire, il revient au créancier de saisir le juge commissaire dans le délai imparti.
Conclusion :
L’arrêt du 23 octobre 2024 rappelle une fois encore le rôle structurant des délais et des formalités en matière de revendication de biens dans le cadre des procédures collectives.
Il invite à une vigilance accrue de la part des créanciers pour préserver leurs droits dans un cadre légal exigeant.